Trois mots à retenir : réparer, préserver, régénérer.
Imaginez qu'en amont de chaque action que vous vous amenez à faire, vous vous posiez les questions suivantes :
mon action va-t-elle dégrader quelque chose : environnement, relation,...?
vais-je pouvoir réparer ce qui va être dégradé ?
puis-je agir sans dégrader ?
Peut-être est-ce déjà le cas pour les meilleurs d'entre nous.
Alors poussons un petit peu plus loin : puis-je agir en régénérant ?
C'est-à-dire qu'après mon action, l'état de situation soit meilleur qu'avant.
Que du bon sens à priori. Presque un principe de développement personnel...

1 - L'économie régénérative, un concept de "bon sens"
J'ai été frappé par le "naturel" du concept (dans toutes ses acceptions) s'appuyant :
- d'une part sur une forme de biomimétisme (qui s'inspire des formes, matières, propriétés, processus et fonctions du vivant),
- d'autre part sur le principe de symbiose (association intime et durable entre deux organismes vivants dans une relation mutualiste).
La limpidité et la pertinence de cette approche a certainement été facilitée par des connaissances personnelles acquises initialement en biologie, biochimie, microbiologie.
Mais c'est la projection du concept au sein de la société / de l'entreprise (transposé sur les personnes et les organisations) qui m'est apparu immédiatement comme une réponse perspicace, singulière et innovante, à la situation du monde actuel (notamment sur des sujets majeurs comme le dérèglement climatique, la perte d'éthique et de valeurs, le sens au travail).
Restait sa traduction concrète et applicable ; c'est maintenant chose faite avec la parution récente chez AFNOR d'un "Guide de l'économie régénérative" disponible gratuitement (Référence de la norme : AFNOR SPEC 2315 d'octobre 2024 - "ASPEC Economie Régénérative" -).
Douze années d'expérience en démarche QGR (Qualité et Gestion des Risques), en agro-alimentaire puis en milieu santé, m'ont certainement facilitées la lecture de ce "référentiel évolutif", qui pourrait apparaitre âpre pour certains d'entre nous sans être initié ou accompagné dans sa "traduction".
ORhizome se reconnait dans les concepts et valeurs développés par l'approche d'une économie régénérative, qui se rapproche toute proportion gardée avec les notions de sa propre démarche éthique.
D'où l'idée de soutenir ici le groupe de travail, piloté par Isabelle DELANNOY, (ingénieur agronome, présidente et cofondatrice de "L'entreprise symbiotique", ayant pour mission d'accélérer la transformation des organisations et des territoires vers une économie de la triple régénération - sociale, écologique et économique -, conceptrice du modèle de l'économie symbiotique) qui a cherché en premier lieu à rendre applicable un concept en une démarche structurée pour le "terrain".
Celle-ci se découpe en six points :
Processus de production et d'aménagement
Modèles de développement et modèles économiques
Choix de gouvernance
Partage de la valeur
Modèles de financement
Piloter le renouvellement des ressources par les pratiques régénératives (leviers, accélérateurs et freins)
2 - Les principes de l'économie régénérative
Les projets régénératifs ont pour premiers objectifs :
de permettre que chacun s'épanouisse au mieux selon sa nature et d'être pleinement lui-même, dans toute sa force et toute sa santé et épanouisse ses talents au service du commun,
de reconnaître et nourrir le vivant (non-humain comme humain) dans sa diversité et ses interactions comme une richesse centrale, qu’on ne peut négliger et qui lui assure une place et une contribution uniques.
A toutes fins motivationnelles, je vous propose en suivant d'en restituer simplement quelques éléments-clés par quelques extraits choisis* issus du guide AFNOR :
Les stratégies régénératives sont conçues dans le respect des caractéristiques géologiques, topographiques, écologiques, culturelles et sociales du lieu.
Elle s’appuie sur le concept d’adaptation dynamique : comme les espèces en coévolution, les organisations doivent constamment s'adapter aux changements environnementaux et sociétaux.
Un aménagement régénératif demande d’inviter toutes les formes d’intelligence : cognitive (cérébrale), corporelle et émotionnelle (intelligence du cœur) et l’intelligence intuitive (ou spirituelle au sens où la spiritualité est la réalisation de son humanité).
Le projet régénératif recherche une efficience croissante pour produire un grand nombre de services, en assemblant une diversité de services écosystèmiques vivants, en les maillant sur un espace déterminé pour répondre à un besoin donné.
Par leur nature co-évolutive, les modèles de développement régénératifs reposent sur l'importance des interactions symbiotiques et des processus collaboratifs entre les acteurs économiques et avec les systèmes naturels.
Les modèles économiques régénératifs reposent sur des stratégies de mutualisation et de coopération.
Le respect des règles d’usage des communs garantit la circulation de l’information, de l’innovation et évite une captation de la valeur dans une approche concurrentielle.
Le modèle économique repose sur l’augmentation de la longévité du produit par un service qui implique une attention particulière sur la robustesse, la réparabilité et le réemploi des composants d’un produit à l’autre, d’une génération de produit à l’autre.
En coévolution, les organisations reconnaissent que leur prospérité est liée à celle de leur milieu écologique et conduisent des investissements dans la restauration des écosystèmes, promeuvent la biodiversité et maximisent la création de services écologiques dans toute la chaine de valeur.
Un changement de conscience profond, d’intelligence émotionnelle (ou "intelligence du cœur") permet de se relier à soi, aux autres et au vivant et développe l'altruisme pour passer de "l’égocentrisme" à "l’écocentrisme".
Les salariés et leurs représentants dont on reconnaît le rôle d’accélérateurs peuvent s’engager dans la mise en œuvre et nourrir les liens de la transition écologique. Ce sont eux qui mettent en œuvre les transformations et qui sont en lien permanent avec l’écosystème.
Le partage de la valeur créée en commun vise à établir une relation mutuellement bénéfique entre les systèmes écologiques et sociaux et les activités du projet, qui permettent la coévolution vers la santé, l’équité, le respect du vivant de façon pérenne.
Dans l’économie régénérative, le partage de la valeur résonne en cohérence avec les choix de gouvernance, de modèles de développement, économiques et financiers.
La redistribution des revenus dans une répartition équitable entre salariés et dirigeants, est un enjeu de réduction des inégalités et de régénération sociale.
L’économie régénérative oblige à l’alignement de la rentabilité des investissements des entités économiques, avec la capacité des milieux naturels à se régénérer et la création d’emplois décents.
Les travaux engagés pour une comptabilité multi-capitaux (ou comptabilité socio-environnementale) mettent l'emphase sur les liens entre les divers capitaux et l'importance de ne pas dégrader le capital naturel pour générer du capital financier. La question de la dette écologique est centrale dans cette approche.
À noter, deux limites du Guide dans sa version actuelle ont été identifiées :
l'établissement de modèles financiers robustes pour permettre le développement des projets régénératifs,
l'identification d'indicateurs entrant dans le cadre des dispositifs d'évaluation.
L’économie régénérative est aujourd’hui une alternative concrète au paradigme actuel, à la source des déséquilibres écologiques de notre époque. Les pratiques régénératives sont une réponse économique à ces enjeux. Cela les différencient des réponses de réparation et de préservation des équilibres écologiques, qui s’opposent à une économie destructrice pour en compenser les effets. Les pratiques régénératives créent de la valeur parce qu’elles s’appuient sur les dynamiques écologiques et sociales, et non en dépit d’elles. Elles en épousent le fonctionnement, et comme elles, se développent en écosystèmes, ancrés sur des territoires donnés, à partir desquels elles peuvent se déployer et essaimer.
* Les extraits de normes figurant dans ce post sont reproduits avec l’accord d’AFNOR. Seul le texte original et complet de la norme telle que diffusée par AFNOR – accessible via le site internet www.afnor.org – a valeur normative.
3 - L'économie régénérative : un modèle économique durable pour les générations futures
Face à l’urgence environnementale et aux défis posés par le changement climatique, l’économie régénérative émerge comme une solution innovante et nécessaire. Ce modèle économique durable s’inscrit dans une vision à long terme, conciliant croissance verte, développement durable et respect des limites écologiques de la planète.
L’économie régénérative repose sur des principes visant à restaurer et à préserver les écosystèmes naturels tout en soutenant une activité économique socialement responsable. Contrairement aux modèles économiques traditionnels qui exploitent les ressources naturelles de manière linéaire, ce modèle intègre des concepts tels que l’économie circulaire (produire des biens et des services de manière durable en limitant la consommation et le gaspillage des ressources et la production des déchets), l’éco conception (intégrer la protection de l’environnement dès la conception des biens ou services, l’économie de la fonctionnalité (sortir de la logique de volume et assurer la performance et la robustesse du produit sur le long terme). Il s’agit de maximiser l’efficacité énergétique, de réduire l’empreinte carbone et de limiter la raréfaction des ressources.
Les piliers de l’économie régénérative sont :
La transition énergétique et énergies renouvelables
La transition énergétique est un élément clé de l’économie régénérative. Elle repose sur le développement des énergies renouvelables, comme la biomasse, le solaire et l’éolien, pour remplacer les sources d’énergie fossiles, responsables d’une grande partie des émissions de gaz à effet de serre.
La gestion durable des ressources
Une gestion durable des ressources naturelles est essentielle pour réduire l’impact environnemental des activités humaines. Cela implique de promouvoir la diversité biologique et de protéger les espaces naturels tout en favorisant le réemploi, le recyclage et la gestion des déchets.
Les modes de production et de consommation responsables
Les modes de production doivent être repensés pour inclure des pratiques d’écoconception et de gestion durable. L’économie de l’usage, basée sur le partage et l’économie collaborative, encourage une utilisation optimale des produits et des services, réduisant ainsi le gaspillage alimentaire et les impacts négatifs sur la biodiversité.
L'engagement des parties prenantes et politiques publiques
La mise en œuvre de politiques publiques adaptées et l’implication des parties prenantes, qu’il s’agisse d’entreprises, de collectivités ou de citoyens, sont nécessaires pour garantir la durabilité des actions. Une économie socialement responsable implique également la prise en compte des enjeux sociaux et environnementaux dans les décisions stratégiques.
Les bénéfices d’un modèle circulaire et régénératif
Adopter un modèle circulaire permet de minimiser l’empreinte carbone tout en stimulant l’innovation et la croissance économique. Le recyclage des matériaux et le réemploi des produits prolongent leur cycle de vie, réduisant ainsi la pression sur les ressources naturelles. Cette approche favorise également la préservation de l’environnement et des écosystèmes tout en limitant les effets de la déforestation.
Face aux changements climatiques, adopter un nouveau modèle économique durable constitue une urgence. Les parties prenantes, qu’il s’agisse des gouvernements, des entreprises ou de la société civile, ont un rôle central à jouer. Ensemble, ils doivent encourager des politiques écologiques ambitieuses, favoriser la préservation de la biodiversité et réduire la pollution de l'air, de l'eau et des sols.
L'économie régénérative va au-delà de la simple réduction des impacts sur l’environnement : elle aspire à restaurer les milieux naturels, en prenant en compte les risques naturels et les vulnérabilités des territoires. En s’appuyant sur des pratiques comme l’agroécologie, la reforestation ou encore la conservation des zones humides, elle contribue à renforcer la résilience des écosystèmes face aux crises.
Vers une économie verte et résiliente
L’économie régénérative s’inscrit dans une transition écologique qui vise à bâtir un avenir durable. En intégrant des stratégies de performance environnementale, elle contribue à la protection de l’environnement et à la réduction des inégalités sociales. Ce modèle promeut également l’utilisation d’énergies renouvelables, limitant ainsi les émissions de gaz à effet de serre, tout en encourageant l’efficacité énergétique dans tous les secteurs.
Pour réussir la transition vers une économie verte, il est essentiel de mobiliser des leviers économiques tout en assurant une dimension socialement responsable. L’économie sociale et solidaire propose des solutions inclusives qui bénéficient à toutes les parties prenantes, et notamment les populations vulnérables. Cette approche, qui allie innovation et création de valeur, est indispensable pour bâtir un modèle économique respectueux de la biosphère.
Les start up vertes, les programmes de responsabilité sociétale des entreprises (RSE = contribution des entreprises aux enjeux du développement durable dans l'objectif d'avoir un impact positif sur la société tout en étant économiquement viable) et les initiatives locales, comme les villes durables, illustrent cette volonté de concilier croissance économique et protection de l’environnement. Enfin, les campagnes visant à sensibiliser sur des thèmes comme l’obsolescence programmée (réduire sciemment dès sa conception la durée de vie d’un produit afin de susciter son remplacement), la réduction des déchets et la gestion de l’eau jouent un rôle essentiel dans la transformation des comportements.
Un avenir socialement et environnementalement responsable
L’économie régénérative propose une alternative concrète et viable aux pratiques économiques actuelles, trop souvent destructrices pour l’environnement. En repensant les modes de production et en valorisant les principes de durabilité, elle répond aux besoins des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs. Ce modèle offre une voie prometteuse vers une économie verte, inclusive et respectueuse des équilibres naturels, où la croissance économique rime avec préservation de la planète.
Adopter l'économie régénérative, c’est changer de modèle pour un avenir durable. En répondant aux enjeux environnementaux tout en soutenant une croissance économique soutenable, ce modèle d’économie écologique et solidaire constitue un levier essentiel pour préserver la diversité biologique, protéger la nature et assurer un cadre de vie sain aux générations futures.
Investir dans ce modèle revient à renforcer nos espaces naturels, à restaurer les milieux aquatiques et à réduire l’impact environnemental de nos activités humaines. Cela demande un engagement collectif, soutenu par des politiques environnementales ambitieuses et une réelle transition énergétique. Protéger l'environnement n’est pas seulement une nécessité écologique, c’est aussi une formidable opportunité économique.